Le Maréorama

Alban Lannéhoa

En 1900, les visiteurs de l’exposition universelle de Paris vont de surprise en surprise : le Sidérostat, impressionnante lunette astronomique, le cinématographe des frères Lumière, le Panorama transsibérien, ou le Cinéorama proposant une projection à 360°. Mais aux côtés de ces merveilles, une attraction particulière va retenir l’attention : une expérience de réalité virtuelle avant l’heure propose aux parisiens et aux nombreux touristes d’embarquer sur un véritable navire pour une croisière méditerranéenne !

On doit cette création à un artiste d’origine roumaine : Frédéric Alexianu, né en 1849 à Sibiu en Transylvanie. Installé en France, Alexianu exerce une activité de peintre sous le pseudonyme Hugo d’Alési, et réalise à la fin du XIXe siècle de très nombreuses affiches promotionnelles pour des compagnies de transport, dont la Compagnie des chemins de fer de l’Est, la ligne Paris-Lyon-Méditerranée (PLM), la Compagnie générale des bateaux parisiens, la Compagnie des bateaux à hélice du Nord, et pour la promotion de diverses régions touristiques. Cette activité prolifique lui donne l’occasion de peindre à plusieurs reprises de magnifiques paysages maritimes.

Exemples d’affiches publicitaires réalisées par le peintre Hugo d’Alési. BNF Gallica.

Les paysages qu’il a l’habitude de représenter vont lui inspirer un projet autrement plus ambitieux. Ne se contentant plus d’inviter à voyager, d’Alési va imaginer une attraction permettant au spectateurs de vivre le voyage sans quitter Paris ! Son projet s’inscrit dans la veine des panoramas immersifs, en vogue à la fin du XIXe. Plusieurs attractions de ce genre ont déjà vu le jour au fil du siècle.

Dès 1837, le peintre Louis Gamain (1803-1871) avait proposé son « Navalorama », donnant une visée pédagogique à cette œuvre, précisant que son objectif était de donner au spectateur « quelques notions exactes sur les choses de la marine, notions qui sont restées trop longtemps étrangères à ceux que des intérêts particuliers n’ont point poussés à les acquérir. Le Navalorama peut être un commentaire matériel des nouvelles maritimes que répand la presse quotidienne ; il peut faire ce que le Musée Naval du Louvre ne fait point encore, faute d’explications sur les objets qu’il offre au public ». Le Navalorama se présentait sous la forme de panoramas de 800m2 représentant la rade de Cherbourg, une vue représentant les colonies, les régions polaires, une scène de combat puis de naufrage. Si des éléments du décor étaient animés, ce n’était semble-t-il pas encore le cas du navire, sur lequel prenaient place des marins enseignant aux visiteurs le vocabulaire maritime et les subtilités de leur métier. Ce projet à vertu pédagogique reçut l’assentiment du Prince de Joinville et du vice-amiral Willaumez. Le Navalorama est toutefois remplacé dès 1840 par un panorama plus classique, L’entrée de l’amiral Roussin dans le Tage.

Il faut attendre 1891 pour voir naître une nouvelle attraction de ce genre. Théophile Poilpot (1848-1915) conçoit alors un panorama circulaire illustrant le combat du Vengeur devant Brest le 13 Prairial de l’An II (1er juin 1794). Le spectateur assiste au combat depuis le pont supérieur du navire reconstitué pour l’occasion. Le pont en question est animé, positionné sur des presses hydrauliques permettant de simuler la houle et le roulis, mais le décor est fixe.

Affiches pour le panorama Le Vengeur en 1891. BNF Gallica.
Le pont du Vengeur. Gravure Louis Poyet, revue La Nature, 3 juillet 1892. BNF Gallica.

Hugo d’Alési va très certainement s’inspirer de cette attraction, mais souhaite aller plus loin et proposer une expérience plus immersive encore. Il part de l’idée d’exploiter le phénomène selon lequel le mouvement d’un objet qui occupe le champ entier de la vision donne au spectateur immobile l’illusion de son propre déplacement. Le départ d’un train en gare observé depuis un autre train stationnaire en est un bon exemple. Pour ce faire, le peintre va baser son attraction sur d’immenses toiles peintes, mais à la différence du classique panorama ces toiles devront donc être mobiles. Elles seront conçues tout spécialement pour résister aux importants efforts qu’on leur imposera, suspendues sur un rail, renforcées par une bande métallique sur le bord supérieur et lestées sur leur bord inférieur pour assurer leur bon défilement. Elles seront animées par un mécanisme de tambour les enroulant progressivement d’avant en arrière. La machinerie est conçue par les ingénieurs Voirin et Desbrochers des Loges.

Le spectateur verra ainsi défiler un paysage sur chaque bord depuis une grande plateforme représentant un navire de transport avec tous ses apparaux : pont, bastingages, bancs, conduits d’aération, cheminées, dunette, barre à roue. Le navire mesure une trentaine de mètres de long pour une dizaine de mètres de large, dimensions particulièrement impressionnantes en plein Paris ! Le dispositif doit accueillir plusieurs centaines de passagers (en capacité d’en accueillir jusqu’à 1200, on limitera l’audience de 500 à 600 à la fois), ce avec tout le confort d’un véritable steamer. Les passagers pourront aller et venir sur le pont ou dans l’entrepont, se détendre sur les bancs, se rafraîchir au bar. L’ensemble doit être monté sur d’impressionnants pistons hydrauliques permettant de récréer le mouvement de roulis et de tangage du navire. Sans point fixe pour repère, le passager aura véritablement la sensation d’être en déplacement. L’ambitieuse invention est baptisée Maréorama, « voir la mer ».

Les coulisses du Maréorama.

Le concept est prometteur : le cinéma en est encore à ses balbutiements et aucune expérience de ce genre n’est encore proposé. Après l’édition de 1867, qui avait mis la Marine à l’honneur, et celle de 1889 au cours de laquelle avait été présentée la tour Eiffel, la nouvelle exposition universelle de Paris de 1900, date symbolique s’il en est, est l’occasion parfaite pour proposer cette impressionnante attraction, devant bénéficier de l’important flux de spectateurs.

Hugo d’Alési dépose un brevet dès le 1er août 1894, et adresse un appel à financement par actions pour la Société du « Maréorama Hugo d’Alési ». L’attraction est présentée comme un « panorama mobile ». On doit pour initier le projet rassembler un capital d’un million deux cent cinquante mille francs divisé en 12 500 actions de 100 francs. Le coût total de la conception de l’attraction est estimé à 4 voire 5 millions d’euros, mais l’on est confiant dans la rentabilité de l’opération : le Comité de direction de l’Exposition universelle présente déjà le Maréorama comme l’un des grands clous de l’événement.

Action pour le lancement du Maréorama, délivrée le 25 mars 1900.

Hugo d’Alési va peindre lui-même, on l’imagine assisté, d’immenses fresques mesurant chacune 750 mètres de long sur 15 mètres de haut. Le peintre s’embarque sur son yacht à l’été 1897 pour réaliser en Méditerranée les croquis préparatoires représentant les diverses destinations, qui serviront au retour en France à concevoir plusieurs kilomètres de toile ! Ces fresques seront peintes dans un immense atelier rue de la Convention. La première, représentant l’escadre française de la Méditerranée à Sousse en Tunisie, est bientôt exposée dans l’atelier et présentée au public pour lui donner un avant-goût de l’attraction.

Ateliers rue de la Convention pour la peinture des fresques du Maréorama, et affiche de l’Exposition universelle réalisée par Hugo Alési et mettant son attraction à l’honneur. BNF Gallica.

Le Maréorama est abrité par un grand bâtiment flanqué de deux tours carrées édifié au cours de l’année 1899 sur le champ de Mars, à l’Ouest de la tour Eiffel et à proximité immédiate de la gare du champ de Mars, installée pour conduire les visiteurs sur les lieux de l’exposition. Le bâtiment de 40 mètres de longs, 34 mètres de large et 23 mètres de haut, est conçu sur les plans de l’architecte Louis-Clément Lacau (1844-1921). Il est surmonté d’une immense terrasse, véritable jardin suspendu depuis lequel on peut admirer le site de l’exposition universelle.

Bâtiment accueillant le Maréorama sur le champ de Mars.
Le Maréorama est idéalement placé aux abords de la gare du champ de mars, troisième du nom, qui conduit les voyageurs sur les lieux de l’exposition. BNF Gallica.
Dispositions intérieures du bâtiment abritant le Maréorama.

Déjà en partie financé par les actions et par l’organisation de l’Exposition, le Maréorama devra également être rentabilisé par la vente de billets d’accès à 2 francs. On s’attend à un franc succès pour cette attraction phare, qui vient couronner l’œuvre d’Hugo d’Alési et lui vaut d’être fait chevalier de la Légion d’honneur en 1899, à la veille de l’Exposition.

L’Exposition universelle ouvre ses portes le 14 avril 1900. On termine alors les essais du Maréorama qui accueillera le public un peu plus tardivement. Le 29 mai, une centaine de passagers a le privilège de découvrir l’attraction en avant-première. Puis les voyages en Méditerranée s’enchaînent tous les jours de 9 heures du matin à 23 heures. On ne donne pour les premières représentations que la première moitié de la croisière méditerranéenne, au départ de Villefranche avec l’escale à Sousse en Tunisie puis en baie de Naples. On complètera au mois de juillet 1900 par la rade de Venise et l’arrivée à Constantinople.

L’escale à Sousse, début de ce voyage méditerranéen.

On compte début juillet parmi les nombreux visiteurs les cadets de la marine suédoise ainsi que vingt élèves officiers français du vaisseau-école Borda, qui déjeunent sur la terrasse du Maréorama avant d’assister à la représentation. Un auditoire peut-être moins impressionné que les visiteurs habituels, mais qui semble-t-il apprécie le spectacle !

Le voyage se déroule au son d’un orchestre symphonique jouant sur des compositions du pianiste Henri Kowalski (1841-1916), qui s’inspire notamment d’une chanson napolitaine et d’une tarentelle pour le tableau napolitain, d’une chanson traditionnelle pour le tableau tunisien, et d’une mélopée turque pour l’arrivée à Constantinople. Les partitions réduites pour piano nous sont parvenues et nous permettent de restituer une partie du spectacle.

Le compositeur Henri Kowalski met en musique le voyage méditerranéen du Maréorama. BNF Gallica.

Outre cet accompagnement musical participant à l’ambiance du voyage, le pont du navire est parcouru par des matelots renforçant l’immersion, des ventilateurs et manches à air restituent un semblant de brise, et des algues participent à l’ambiance olfactive.

Le premier décor, celui de l’appareillage de Villefranche, ne nous est malheureusement pas parvenu. On pouvait y admirer la vieille ville et sa citadelle, la rade où l’on apercevait les mâts de quelques torpilleurs, puis défilaient le mont Boron et le cap Ferrat. On croisait enfin le garde-côte Indomptable en quittant la rade.

Même ambiance militaire pour la première escale à Sousse en Tunisie. Les spectateurs contemplent sur bâbord l’escadre française de la Méditerranée, composée des cuirassés Bouvet, Carnot, Charles Martel, Brennus, Pothuau et Magenta,des croiseurs Amiral Charner et d’Assas, et des torpilleurs Lévrier et Forban. Nous vous proposons une restitution de cette petite revue navale. Outre la musique, on entendait également tonner le canon au lointain et résonner les notes de la Marseillaise. Sur tribord se trouvaient représentés le port et la nouvelle jetée, la kasbah et les usines de la ville. La toile correspondante n’existe malheureusement plus à notre connaissance, la carte postale illustrée précédemment donnant seulement un aperçu de ce que devait représenter ce décor.

On emmène ensuite les spectateurs dans l’une des plus belles baies du monde pour la deuxième escale de ce voyage. On voit défiler sur bâbord les îles d’Ischia et de Procida, sur des séquences qui ne nous sont pas parvenues, puis sur les toiles que nous illustrons ci-dessous, les villas du cap Pausilippe, le castel dell ovo, et enfin le célèbre Vésuve. La toile de tribord, qui n’a pas non plus été conservée, illustrait l’île de Capri. Des animations venaient égayer ce passage à Naples : des bateliers en tenue napolitaine rejoignaient le bord et venaient jouer des musiques locales, puis un chœur entonnait la chanson napolitaine Santa Lucia.

Venise la Sérénissime est le lieu majestueux de la troisième escale. On y parvient au soleil couchant. Sur tribord paraissent au loin les premiers contreforts des Alpes, l’île de Sant’Elena et les jardins de Venise, belle introduction malheureusement perdue. Dans la séquence que nous restituons ci-dessous apparaît un groupes de bateaux de Chioggia en premier plan, puis défilent les quais de Venise : l’église de la Pieta, La statue équestre de Victor-Emmanuel II devant l’hôtel d’Angleterre, le ponte della Paglia, le palais ducal devant les dômes de la place Saint-Marc, puis le Campanile. Pour finir, on assiste à un coucher de soleil entre l’Eglise de Santa Maria della Salute et l’église Saint Georges. L’autre toile sur bâbord figurait la lagune du Lido et des barques de pêcheurs. Les effets de lumière, particulièrement réussis, furent salués par la presse : « La reine de l’Adriatique surgissait réellement des flots sombres, dans sa prestigieuse beauté de cité de rêve et de légende. L’illusion est saisissante et parfaite ».

Escale à Venise sur le pont du Maréorama.

Cette scène de soleil couchant à Venise est suivie d’une navigation de nuit par gros temps. L’obscurité se fait autour du pont du Maréorama, quand soudain les mouvements du navire se font plus violents et des effets lumineux et sonores simulent l’orage, semble-t-il saisissant de réalisme. Certains passagers, amateurs de sensations fortes, trouvaient le roulis trop doux et attendaient « avec impatience le roulis plus fort de la tempête pour pousser de petits cris d’effrois et de plaisir ».

La tempête est heureusement brève, les nuits sont très courtes à bord du Maréorama ! On parvient enfin à Constantinople au petit matin. Cette scène est malheureusement la moins bien préservée des tableaux du Maréorama. Il ne nous en reste qu’un court extrait tant visuel que musical. Ce tableau de de moindre qualité nous emmène malgré tout avec plaisir sur les rives du Bosphore devant Sainte-Sophie.

L’expérience totale dure une demi-heure, et fait dire aux spectateurs enthousiastes que l’on a pour le prix d’un billet de tramway une véritable croisière en Méditerranée ! Dans la chaleur caniculaire de l’été 1900, la brise imprégnée de senteurs iodées est également particulièrement appréciée. On profite tout autant de la terrasse sur le toit du Maréorama : « Où terminer plus agréablement la journée que sur la jolie terrasse fleurie du Maréorama, près de la tour Eiffel, véritable jardin suspendu à trente mètres de hauteur ? Une exquise fraîcheur vous permet, dans un cadre charmant, d’apprécier la fine cuisine du Restaurant de la Grande Terrasse du Maréorama ».

On notera malgré tout quelques critiques négatives, notamment de la part de certains esprits chagrins estimant que l’attraction serait de nature à « produire un effet tout à fait désagréable sur les étrangers, à qui, à peine débarqués du bateau à vapeur, le Maréorama rappellera les nausées de la veille avec risque de leur donner une suite ». On se demandera pourquoi ces derniers ne s’abstiennent pas simplement de mettre les pieds sur un navire leur rappelant ces mauvais souvenirs. Plus curieusement, on apprend que le pape aurait interdit avant l’ouverture de l’exposition l’entrée du Maréorama aux congrégations religieuses féminines. Difficile cette fois de trouver une explication rationnelle !

Une autre critique semble nous décrire la télévision avant l’heure dans les colonnes de L’Aurore : « Je veux simplement montrer à quelles recherches on se livre pour complaire au public, ce sultan blasé, et lui procurer, sans déplacement et sans grands frais, des émotions neuves. Où s’arrêtera-t-on dans cette voie ? Pour peu que cela continue, et pourvu qu’on puisse se payer cette immobilité, on en arrivera à passer son existence dans un fauteuil et à regarder, de ce fauteuil, défiler devant ses yeux des tableaux, des scènes, qui donneront l’illusion d’une vie… ». Curieuse et dérangeante prédiction !

 On envisage de poursuivre l’exploitation de l’attraction une année après la fin de l’exposition universelle, puis de la produire aux Etats-Unis. Mais l’Exposition universelle dans son ensemble est un désastre financier, dont pâtissent toutes les attractions. Le Maréorama accuse rapidement un lourd déficit, s’élevant à un million de francs. Comme pour l’ensemble des attractions de l’Exposition, le cours de l’action du Maréorama évolue très défavorablement : vendues 100 francs en 1899, les actions reviennent à 45 francs au mois de juillet 1900, soit une perte de 55%. Difficile dans ces conditions d’attirer de nouveaux investisseurs pour faire perdurer l’expérience, a fortiori de l’exporter à l’étranger.

Le Maréorama accuse encore un passif de 800 000 francs au 1er janvier 1901. Au mois de mai, les actionnaires réclament devant le Tribunal de commerce le remboursement du capital constitué en 1899. Le tribunal les déboute de leurs prétentions, considérant que l’insuccès du Maréorama, comme de presque toutes les attractions de l’Exposition, n’est pas de la responsabilité de la société constituée par Hugo d’Alesi mais dû au retard de l’ouverture de l’exposition et à la mauvaise gestion de cette dernière.

Le succès populaire va malgré tout conduire à des dérivés plus modestes qui feront perdurer l’expérience. Le journal Le Petit Français illustré proposera en décembre 1902 un Maréorama miniature à assembler pour les enfants.

Instruction de montage pour un Maréorama miniature.

L’expérience n’aura pas de lendemain : l’engouement croissant pour le cinéma signe déjà la fin de l’intérêt pour les panoramas. L’attraction proposée par Hugo d’Alési aura pour autant été particulièrement novatrice, préfigurant les expériences de réalité virtuelle moderne, près d’un siècle plus tard.

Pour aller plus loin :

ROUSSELET Louis, L’exposition universelle de 1900, Hachette, 1901.

2 réponses à “Le Maréorama”

  1. Excellent !! Très instructif et complet, bravo. Une chose me manque : le nom de l excellent pianiste qui joue les pièces musicales des vidéo avec un goût ddlicat. Il faut le féliciter !

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    • Merci ! Il s’agit d’Antonio Giardina (@antogmus1c sur la plateforme Fiverr). Il a remarquablement interprété ces compositions centenaires et nous l’en remercions. Il est crédité sur Youtube et nous allons effectivement l’ajouter sur cette page.

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